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Fragments d'autre (2021)

Headphone installation

45 minutes

Premiered 2021, July, 26th in Maison Maria Casarès, Alloue.

Binaural installation for two actors, 4 saxhorns, piano, harp, violin, percussion and electronic sounds.

Johanna Silberstein and Philippe Canalès

Quatuor Opus 333, Ensemble l'Instant Donné

Étienne Démoulin: computer music producer IRCAM

Sylvain Cadars: sound engineer IRCAM

 

Commande de la Maison Maria Casarès dans le cadre de ma résidence de compositeur depuis 2019, Fragments d’autreest une œuvre aux multiples enjeux qui pourrait se résumer à la forme qu’elle dessine, celle d’une fresque-hommage. Hommage à la résidence tout d’abord. Lieu magique, où j’y ai passé plusieurs mois depuis 2017, à sentir l’ambiance si particulière de la maison, à subodorer l’empreinte de son habitante illustre, faite de murmures surnaturels apparaissant la nuit tombée par quelques présences fantomatiques bienveillantes. Hommage aux rencontres, acteurs, chanteurs et musiciens, avec qui j’ai eu le grand plaisir de travailler et avec qui se sont tissés des liens d’amitié. C’est un lieu approprié, dans les deux sens du terme.  

Fragments d’autre est une installation qui repose sur dix-neuf lettres issues de la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès. Il n’était pas aisé de penser un travail d’écriture musical avec une telle matière sans tomber dans l’illustration ou le pléonasme musical. J’ai utilisé plusieurs filtres pour cela. 

Le premier était de relever les années d’écriture des différentes lettres et de collecter des œuvres musicales qui y ont été créés, en tentant de trouver un lien avec les situations qui y sont décrites ou avec des éléments biographiques des deux amants. Une liste d’œuvres musicales de différents compositeurs allant de Francis Poulenc à Edgard Varèse en passant par Pierre Boulez, John Cage ou encore Pierre Schaeffer a été ainsi élaborée. L’influence de ce dernier a peut-être été la plus déterminante sur l’ensemble de la pièce car il s’agit aussi d’un hommage à l’art radiophonique, dont la naissance accompagnait d’une certaine manière cette correspondance. Schaeffer avait en effet enregistré dès 1943 certains textes d’écrivains résistants dont ceux de Camus. Ainsi, la partie électronique des fragments d’autre a été réalisé « à l’ancienne » : feedback de console, larsen de radio, et autres intermodulations constituent l’essentiel de cette matière. 

Le second filtre, utilisé pour l’ensemble des parties instrumentales, a été l’association de chaque fragment à un O.E.M. (Objets Esthétiquement Modifiés) issus des sources listées. Cette technique de composition consiste à prélever dans des musiques du passé un élément que j’identifie comme un objet musical me semblant receler la possibilité d’une brèche. Cela peut être un geste, un motif, une mélodie, un rythme, un timbre, un enchaînement harmonique, ou autre. Par son prélèvement, l’objet se décontextualise, puis, avant de le réimplanter à la manière d’une bouture dans mon terreau, je le modifie esthétiquement. La gradation de cette modification devient un paramètre de composition à part entière, qui s’étale de la citation propre à la perte totale de sa perception d’origine. Il sera ainsi difficile de reconnaître les sources ici, à l’exception d’un fragment qui repose sur Don Giovanni de Mozart, seule œuvre à ne pas figurer sur la liste mais que semblait apprécier fortement Camus.

Le troisième filtre s’incarne dans la forme même du fragment. Les dix-huit fragments musicaux sont ainsi recombinés les uns avec les autres, ainsi qu’avec les textes jusqu’à une forme de mise en abîme dans la dernière partie, où la composition repose sur la fragmentation des autres fragments.

Le dernier filtre est celui du titre, celui de l’altérité. Cette œuvre développe ainsi cette notion qui nourrit mes préoccupations musicales depuis plus de dix ans maintenant, et qui résonne avec la célèbre idée proustienne selon laquelle on ne connaît la beauté d’une chose que dans une autre.


Commissioned by the Maison Maria Casarès as part of my residency as a composer since 2019, Fragments d'autre is a work with multiple issues that could be summed up in the form it takes, that of a fresco-tribute. First of all, a tribute to the residency. It's a magical place, where I've spent several months since 2017, feeling the very special atmosphere of the house, sensing the imprint of its illustrious inhabitant, made up of supernatural whispers appearing at nightfall through a few benevolent ghostly presences. A tribute to the people I've met, actors, singers and musicians, with whom I've had the great pleasure of working and with whom I've forged close friendships. It's a fitting venue, in both senses of the word.

Fragments d'autre is an installation based on nineteen letters from the correspondence between Albert Camus and Maria Casarès. It wasn't easy to come up with a musical composition using such material without falling into illustration or musical pleonasm. I used several filters to achieve this.

The first was to note the years in which the various letters were written and to collect the musical works that were created in them, trying to find a link with the situations described in them or with biographical elements of the two lovers. A list of musical works by composers ranging from Francis Poulenc and Edgard Varèse to Pierre Boulez, John Cage and Pierre Schaeffer was drawn up. Schaeffer's influence was perhaps the most decisive on the piece as a whole, as it is also a tribute to the art of radio, the birth of which in a way accompanied this correspondence. In 1943, Schaeffer had already recorded certain texts by writers in the Resistance, including those by Camus. The electronic part of the fragments d'autre was produced 'the old-fashioned way': console feedback, radio feedback and other intermodulations make up the bulk of the material.

The second filter, used for all the instrumental parts, was the association of each fragment with an A.M.O (Aetheticaly Modified Objects) taken from the sources listed. This compositional technique consists of taking from music of the past an element that I identify as a musical object that seems to me to conceal the possibility of a breach. It could be a gesture, a motif, a melody, a rhythm, a timbre, a harmonic sequence or something else. By taking it, the object is decontextualised, and then, before re-implanting it like a cutting in my compost, I modify it aesthetically. The gradation of this modification becomes a compositional parameter in its own right, ranging from the clean citation to the total loss of its original perception. It will thus be difficult to recognise the sources here, with the exception of a fragment based on Mozart's Don Giovanni, the only work not on the list but one that Camus seemed to appreciate greatly.

The third filter is embodied in the form of the fragment itself. The eighteen musical fragments are recombined with each other and with the texts, culminating in a form of mise en abîme in the final section, where the composition is based on the fragmentation of the other fragments.

The final filter is that of the title, that of otherness. This work thus develops the notion that has fed my musical preoccupations for over ten years now, and which resonates with the famous Proustian idea that the beauty of one thing is only known in another.




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