Slide listening (2017)
Instrumentation: concertino for piano and orchestra
Duration: about 9 minutes
Premiere: March 5th 2017 by the three finalists of Piano Campus international piano competition.
Orchestre Melodix, conducted by Fabrice Parmentier
National Theater of Cergy-Pontoise
Publisher : Éditions Musicales Artchipel
Commission: Pascal Escande for Piano Campus competition
Slide-listening est une pièce écrite pour piano et orchestre qui s’éloigne quelque peu de la forme classique du concertino dans le rapport entre le soliste et l’orchestre. Ici le discours ne s’établit pas au sein d’un axe confrontation/dialogue, mais plutôt dans une volonté d’orchestrer l’instrument soliste, de créer une sorte de piano augmenté par l’orchestre. Ce dispositif compositionnel filtré laisse s’échapper quelques résidus orchestrés et autres textures autonomes pensées comme des respirations d’ordre environnemental, proches du design sonore.
La forme et le matériau convergent dans la figure du glissement. Du glissement de l’archet sur les cordes au glissement de clusters diatoniques au piano, du glissement des flutes à coulisses au glissement de la superball sur le tam, du glissement d’objets musicaux au glissement des situations d’écoute, ces diapositives sonores s’entrechoquent à un tempo soutenu.
Cette pièce, créée par les finalistes du concours international Piano Campus 2017, met par ailleurs en jeu ce que j’appelle des OEM (objets esthétiquement modifiés) issus du concerto pour piano de Schumann (au programme de la finale). Les OEM sont des fragments musicaux issus de la littérature classique ou traditionnelle ; ces fragments sont, un peu à l’instar des manipulations génétiques, d’abord prélevés, décontextualisés, modifiés esthétiquement, puis confrontés à un nouvel environnement musical.
Music of Sighs - a tribute to Klaus Huber (2024)
quintet
15 minutes
Premiered in 2024, november 3rd at Homerton College Cambridge University by Ensemble Alternances.
commission: French government.
Instrumentation : flute, clarinet, harp, viola d'amore & cello.
Dedication : Palestinian and Israeli peoples.
Publisher : Éditions Musicales Artchipel
J’ai eu la chance de rencontrer le compositeur Klaus Huber au début de mes études de composition au CNSM de Paris dans le cadre d’une masterclass. Je pense aujourd’hui et avec le recul que cela a été déterminant dans l’évolution de ma musique, car j’y ai trouvé de fascinantes pistes de réflexion en résonnance avec mes préoccupations d’alors. Je pense principalement au travail sur le temps et l’agogique, avec le concept de Motus, à celui de Silentium qui propose une sorte de composition du silence, à l’élaboration d’un système de contraintes s’ouvrant sur des espaces intuitifs, ou encore à la manière dont il stimulait la mémoire dans son geste compositionnel.
En 1967, Huber termine l’écriture de sa pièce James Joyce Chamber Music, méditation sur le célèbre cycle de poèmes de l’écrivain irlandais. En 2022, j’ai mis en musique l’un de ces poèmes dans ma pièce WhatsPop et un peu plus tôt (2020) je me suis inspiré d’un autre poème du cycle pour mon hommage au guitariste fondateur des Pink Floyd, Syd Barrett. J’ai vu en ce lien partagé le point de départ de l’écriture de Music of Sighs, dont le titre est la citation d’un vers du quatorzième poème du cycle de Joyce. Étant donné la formation instrumentale de l’œuvre, je ne souhaitais pas, à l’instar de celle de Huber, que les mots du poète soient entendus. Ils sont de fait contenus au service de l’élaboration formelle et conceptuelle, presque comme une introspection fragmentaire qui s’échappe et qui se nourrit de la manière dont Klaus Huber s’est approprié l’œuvre de Joyce ; ce dernier voulait que sa musique ne révèle pas le mystère sur lequel elle médite, qu’elle le préserve comme une totalité tout en résonnant par lui ou bien se « taise ».
Alors que je composais les esquisses des fragments correspondant aux 36 poèmes de Chamber Music sont survenus les évènements tragiques du 7 octobre au Proche-Orient et le massacre de la population de Gaza. La pensée humaniste qui infuse dans toute l’œuvre de Klaus Huber, à l’inverse du repli identitaire qui s’épand aujourd’hui, nous manque cruellement. Elle s’exprime fortement dans son rapport à l’œuvre du poète palestinien Mahmoud Darwich.
C’est baigné de ses textes (en particulier son recueil Comme des fleurs d’amandier ou plus loin) que je me suis décidé à transformer mon projet formel ; au lieu d’un réseau labyrinthique constitué de 36 fragments musicaux, je dessinerais une musique qui tisse organiquement des liens entre ces fragments, d’une forme développante qui, d’une certaine manière, ne permet pas le retour. Plus littéralement, des inspirations sonores, sanglots fragiles distillés succinctement puis en polyrythmie, incarnent les soupirs du titre. Ils sont autant de pleurs impuissants sur une situation qui nous échappe.
I was lucky enough to meet composer Klaus Huber at the start of my composition studies at the CNSM in Paris, during a masterclass. With hindsight, I think this was a determining factor in the development of my music, as I found fascinating avenues of reflection that resonated with my preoccupations at the time. I'm thinking in particular of his work on time and agogics, with the concept of Motus, of Silentium, which proposes a kind of composition of silence, of the elaboration of a system of constraints opening onto intuitive spaces, and of the way he stimulated memory in his compositional gesture.
In 1967, Huber completed his James Joyce Chamber Music, a meditation on the Irish writer's famous cycle of poems. In 2022, I set one of these poems to music in my piece WhatsPop, and a little earlier (2020) I drew inspiration from another poem in the cycle for my tribute to Pink Floyd founding guitarist Syd Barrett. I saw in this shared link the starting point for writing Music of Sighs, whose title is a quotation of a line from the fourteenth poem in Joyce's cycle. Given the work's instrumental formation, I didn't want the poet's words to be heard, as Huber's did. They are in fact contained at the service of the formal and conceptual elaboration, almost like a fragmentary introspection that escapes and feeds on the way Klaus Huber appropriated Joyce's work; the latter wanted his music not to reveal the mystery it meditates on, to preserve it as a totality while resonating through it, or else to be “silent”.
While I was composing the sketches for the fragments corresponding to the 36 poems in Chamber Music, the tragic events of October 7 in the Middle East and the massacre of the people of Gaza occurred. We sorely miss the humanistic thinking that infuses all Klaus Huber's work, in contrast to the identitarian withdrawal that is so widespread today. It is strongly expressed in his relationship with the work of the Palestinian poet Mahmoud Darwich.
It was immersed in his texts (in particular his collection Comme des fleurs d'amandier and beyond) that I decided to transform my formal project; instead of a labyrinthine network made up of 36 musical fragments, I would draw a music that organically weaves links between these fragments, in an expansive form that, in a way, doesn't allow return. More literally, sonic inspirations, fragile sobs distilled succinctly and then polyrhythmically, embody the sighs of the title. They are so many impotent cries over a situation that eludes us.