Twin Conapts (2024)

Premier in 2025 February 9th at Studio 104 - Maison de la radio et de la musique. Paris, by Ensemble Linea conducted by Jean-Philippe Wurtz.

Commission by Radio France

Instrumentation : renaissance flute/petit dessus en la/contrabass flute, english horn, baroc contrabassoon, natural horn in Eflatt/french horn, sackbut/trombone, percussions, harpshichord/synth, theorbo/electric guitar, violin, viola, cello and doublebass.

As composers, it seems to me that we share common goals with science fiction writers. Particularly in our propensity to create worlds, in our ability to move towards a philosophical dimension and also to leave a record in the imagination of the world in which we live.

This influence can be seen, for example, in the link I've been cultivating with the work of Antoine Volodine for nearly 15 years, whether structurally, with a transposition of literary forms stemming from Post-exoticism, or more directly through the adaptation of his works into musical theatre: "Black village" (2019), based on the novel by his heteronym Lutz Bassmann, or "La nuit des mis bémols" (in progress), based on the children's novel by Manuella Draeger.

It was also while re-reading Aldous Huxley's "Brave New World" that I decided to write, in 2023, "The Steel Point Rasps & Rasps the Silence", for septet and electronics, a work that sets the novel's dystopia in tension with biographical elements about its author, in particular his relationship with Stravinsky. "Twin Conapts" could thus be seen as the second piece in a cycle that began with this tribute piece. Here it is the figure of Philip K. Dick who is invited to take part, a man who shared with Stravinsky a deep love of music.

K. Dick's universe is rich and infinitely complex. The term Conapt, an apocope of ‘condominium flat’, was introduced in his novel "Ubik" (1966). It refers to a kind of overconnected dwelling which, in one absolutely memorable scene, refuses to open to its tenant because he hasn't paid for his coffee. It is this space that I have chosen to represent metaphorically in the piece, a space in which other Dickensian elements come into play: his love of John Dowland - how can we not cite "Flow my Tears the Policeman Said" (1970) - but also the influences that his work would leave on musicians such as Schulze, Zappa, Eno, Sonic Youth and Radiohead.

‘Reality is what refuses to disappear when you stop believing in it’, the writer tells us, long after a mystical experience, possibly under LSD, had convinced her that humanity had been living in a collective prison hallucination since the Roman Empire. So this relationship with a reality that escapes us is at the heart of "Twin Conapts", particularly in the desire to create sound textures that blur the origin of the emitting sources, in the manner of a depraved Klangfarbenmelodie. I also tried to compose in a sensitive way the tormented temporal distortions characteristic of K. Dick's universe, by musically symbolising certain temporal paradoxes and working on the extreme dilation and compression of certain musical objects.

To support these experiments, an unusual instrumental line-up has been chosen, using all the resources available to the Linea ensemble. The majority of the musicians use several instruments, allowing for unexpected combinations of timbre: Renaissance flutes rub shoulders with the contrabass flute, the theorbo with the electric guitar, the harpsichord with the synthesiser (using a ‘genetic’ model and shaped by Artificial Intelligence), the sackbut with the trombone, the natural horn with the horn in F, medieval percussion with the drums, not forgetting the use of the majestic Baroque contrabassoon.

Several compositional spaces weave a labyrinthine form designed to lose contextual and aesthetic reference points for the different materials brought into play. These include "Broken consorts", in reference to Renaissance music, "Rock connections", representing Dickensian influences on popular music, and "Conapt sounds", using more noisy and abstract sonorities.

The work constantly re-engages the musical gesture in the articulation of a continuous, processual and hypnotic time with a narrative, discursive and fragmentary time. Repeated sounds are projected in a plurality of agogics by instrument or family of instruments; "Twin Conapts" attempts to displace listening through space and time.

En tant que compositeurs ou compositrices, il me semble que nous partageons des finalités communes avec les auteurs ou les autrices de Science-Fiction. En particulier dans notre propension à créer des mondes, à notre possibilité de tendre vers une dimension philosophique et aussi à laisser un témoignage dans l’imaginaire sur le monde dans lequel nous vivons.

Cette influence s’exprime par exemple dans le lien que je cultive avec l’œuvre d’Antoine Volodine depuis près de 15 ans, que ce soit de manière structurelle, avec une transposition des formes littéraires issues du Post-exotisme, ou plus directement par l’adaptation en théâtre musical de ses œuvres : Black village (2019), à partir du roman de son hétéronyme Lutz Bassmann, ou encore La nuit des mis bémols (en cours), à partir du roman jeunesse signé Manuella Draeger.

C’est aussi à la relecture du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, que je décidai d’écrire, en 2023, The Steel Point Rasps & Rasps the Silence, pour septuor et électronique, œuvre qui met en tension la dystopie du roman avec des éléments biographiques de son auteur, notamment sa relation avec Stravinsky. Twin Conapts pourrait ainsi être considérée comme la deuxième pièce d’un cycle débuté par cette pièce-hommage. C’est ici la figure de Philip K. Dick qui est conviée, lui qui partageait avec son aîné un amour profond de la musique.

L’univers de K. Dick est d’une grande richesse et d’une infinie complexité. Le terme de Conapt, apocope de « condominium appartement » est introduit dans son roman Ubik (1966). Il s’agit d’une sorte d'habitation surconnectée qui, dans une scène absolument mémorable, refusera d’ouvrir à son locataire car il n’avait pas payé son café. C’est cet espace que j’ai choisi de représenter métaphoriquement dans la pièce, un espace où d’autres éléments dickiens entrent en jeu : son amour pour John Dowland – comment ne pas citer Flow my Tears the Policeman Said (1970) – mais aussi les influences que son œuvre laissera chez des musiciens tels que Schulze, Zappa, Eno, Sonic Youth ou encore Radiohead.

« La réalité, c’est ce qui refuse de disparaître quand on cesse d’y croire », nous dit l’écrivain, bien après qu’une expérience mystique, possiblement sous LSD, l’aurait convaincue que l’humanité vivait dans une hallucination carcérale collective depuis l’empire romain. Aussi, ce rapport à une réalité qui nous échappe est au centre de Twin Conapts, particulièrement dans la volonté de créer des textures sonores qui brouillent l’origine des sources émettrices, à la manière d’une Klangfarbenmelodie dépravée. J’ai également tenté de composer de manière sensible les distorsions temporelles tourmentées propres à l’univers de K. Dick, en symbolisant musicalement certains paradoxes temporels et en travaillant à la dilatation et à la compression extrême de certains objets musicaux.

Afin de porter ces expérimentations, un effectif instrumental peu commun a été privilégié, en utilisant les ressources possibles de l’ensemble Linea. Une majorité de musicien·ne·s utilise ainsi plusieurs instruments permettant des combinaisons de timbre inattendues : les flûtes de la renaissance côtoient la flûte contrebasse, le théorbe la guitare électrique, le clavecin le synthétiseur (par modèle « génétique » et façonné par Intelligence Artificielle), la saqueboute le trombone, le cor naturel le cor en fa, les percussions du moyen-âge la batterie, sans oublier l’utilisation du majestueux contrebasson baroque.

Plusieurs espaces compositionnels tissent une forme labyrinthique ayant pour but de perdre les repères contextuels et esthétiques des différents matériaux mis en jeu. Parmi ceux-ci, citons des Broken consorts, en référence à la musique de la renaissance, des Rock connections, représentant les influences dickiennes sur la musique populaire, ou encore des Conapt sounds, utilisant des sonorités plus bruitistes et plus abstraites.

L’œuvre réengage en permanence le geste musical dans l’articulation d'un temps continu, processuel et hypnotique avec un temps narratif, discursif et fragmentaire. Des sons répétés sont projetés dans une pluralité d’agogiques par instruments ou famille d'instruments ; Twin Conapts tente de déplacer l’écoute à travers l’espace et le temps.