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Japon : signaux forts

Cela faisait un petit moment que je n'avais pas travaillé à partir d'une matière liée à mon deuxième pays. Cinq ans environ, j'en faisais allusion dans ma première note de blog en 2017, citant en partie un laboratoire réalisé à l'Abbaye de Royaumont autour d'un Nô Moderne de Mishima. Depuis 2022 et comme une sorte de rafale continue, ce ne sont pas moins de cinq projets initiés ou prévus qui ont en leur coeur l'exploration conceptuelle de fragments de culture nippone très hétérogènes.

 


 

Ceux qu'on oublie difficilement (en cours)


Septembre 2021, alors que j'enseigne à l'académie Voix Nouvelles de Royaumont, je reçois un message de mon ami metteur en scène Benjamin Lazar me faisant part d'un coup de coeur qu'il venait d'avoir à la découverte de tankas écrits par Takuboku (1886-1912), poète génial et singulier qui mourrut prématurément. Il eut l'intuition que cela pouvait me parler. Comment aurait-il pu en être autrement, à la lecture par exemple de cette prose qui résonne tant avec notre époque :


"J'ai beau me fournir toutes sortes de justifications, mon existence a bel et bien été sacrifiée à l'ordre familial, au système de classes, au capitalisme et à la commercialisation du savoir qui actuellement nous gouvernent. Je baissai les yeux. Semblable à un mort, jetée sur le tatami, une poupée gisait. La poésie est mon jouet triste"

Un an plus tard, nous nous retrouvions avec Benjamin, Michiko Takahashi (soprano avec qui je travaille régulièrement), Hiroaki Ogasawara (jeune prodige de Kyogen), Mélanie Shaan et Corentin Leconte (vidéastes japonophiles), pour un laboratoire de recherche à l'Abbaye de Royaumont (encore et toujours !) autour de Takuboku et de Yosano (poétesse contemporaine de ce dernier). Le résultat de cette résidence s'est concrétisé par ce petit film. Un développement est en cours.




 

Tanukibayashi - 狸囃子 (2022)


Gaëlle Bélot, éminente professeur de flûte au conservatoire d'Ivry-sur-Seine, est à l'initiative d'un très beau projet éditorial original d'élaboration de recueil d'oeuvres spécialement composées pour des étudiants. Aussi, lorsqu'elle me proposa d'écrire une petite pièce pédagogique pour flûte de niveau premier cycle, j'acceptais avec le plus grand enthousiasme. Difficile néanmoins d'aborder cet exercice. Gaëlle insistait beaucoup sur le fait qu'en s'adressant aux compositeurs, elle voulait mettre en avant la dimension artistique des pièces. J'entrepris donc l'écriture dans cette optique, tout en souhaitant y inclure un aspect ludique. Comme j'avais pour objectif par ailleurs de réaliser quelques essais autour de la vidéo, j'eu l'idée de réaliser une oeuvre pour tête de flûte et dessin animé, avec pour thème le célèbre Yokaï raton-laveur Tanuki - 狸.


La pièce a été magnifiquement créée par la jeune Mélina Richard-Sarmiento au festival Ensemble(s) en septembre 2022.





 

La lune s'éteindra-t-elle ? (création le 7 mars 2024 au Musée Guimet)


Cette pièce marque mes retrouvailles avec le Genji Monogatari - 源氏物語 , douze années après l'écriture de ma pièce Kaimami - 垣間見. À la différence de celle-ci, La lune s'éteindra-t-elle ? repose sur un propos narratif qui concerne principalement les évènements relatés dans le quatrième chapitre du premier livre Yugao - 夕顔, que je déploie de trois points de vue féminins différents. Le premier est celui de Yugao, jeune femme très belle dont le Genji tombera éperdument amoureux, le deuxième est celui de Ukon, suivante de Yugao et le troisième est celui d'un esprit maléfique qui tuera Yugao dans son sommeil...


Le feuillage est tout surpris si le vent disparaît et meurt il entend et ne peut parler / il voit et ne peut bouger les feuilles aussi tombent quand le temps arrive / quand il n'y a plus rien
















L'oeuvre, sur un texte original de Dominique Quélen, sera créée par Michiko Takahashi et l'ensemble Cairn au Musée Guimet dans le cadre d'une exposition consacrée aux Genji-e, genre pictural à lui seul, centré sur les représentations du Genji. Nous avons à ce propos la chance d'avoir, en français, l'une des plus belles éditions du texte illustré (éditions Diane de Sellier) :


 

Kata-noise - 型ノイズ (création le 31 mai 2024 à la Maison de la Culture du Japon)


J'ignorais complètement que mon ami Yann Robin était ceinture noire de Judo. Cette pratique est tellement essentielle pour lui qu'il a imaginé un projet où cinq compositeurs mettraient en musique cinq Kata de judo. Les Kata sont des mouvements codifiés et chorégraphiés qui représentent différentes techniques d'arts martiaux. En judo, il existe sept Kata. Chaque compositeur choisi un Kata parmi cinq sélectionnés par Yann. Je suis très heureux de me retrouver en compagnie musicale de Yann (évidemment), Noriko Baba, Yves Chauris, Misato Mochizuki et de l'ensemble Multilatérale !


Pour ma part, j'ai choisi le Goshin Jutsu no Kata (Kata d'auto-défense), qui est le plus récent (il date de 1956) et qui a pour particularité de se réaliser avec des armes (couteau, bâton et pistolet).




 

Kazegaku - 風楽 (création prévue en automne 2024)


Kazegaku - 風楽 est un néologisme composé de deux kanji 風 (kaze, vent) et 楽 (gaku, musique). C'est le titre que j'ai choisi pour une commande de l'ensemble Aedes, pour choeur à 24 voix, percussions, instrument à définir et chanteur Nô manipulant le sabre. C'est la troisième pièce, après WhatsPop (2022) et The Steel Point Rasps & Rasps the Silence (2023), où j'écris et conçois le livret. Il s'inspire ici entre autres de Kaze no Matasaburo - 風の又三郎 de Kenji Miyazawa (1896-1933), et du magnifique documentaire réalisé par les amis Mélanie Shaan et Corentin Leconte (cités plus haut) sur le quotidien du calligraphe Akeji.



Cette pièce fera partie du nouveau spectacle d'Aedes centré sur la question de l'humanité dans ce qu'elle peut avoir de lumineux et d'obscur, et évoluant dans un écart entre musique occidentale et arts japonais. Il sera mis en scène par Pier Lamandé avec l'acteur Nô Masato Matsuura comme soliste.

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