Slide listening (2017)
Instrumentation: concertino for piano and orchestra
Duration: about 9 minutes
Premiere: March 5th 2017 by the three finalists of Piano Campus international piano competition.
Orchestre Melodix, conducted by Fabrice Parmentier
National Theater of Cergy-Pontoise
Publisher : Éditions Musicales Artchipel
Commission: Pascal Escande for Piano Campus competition
Slide-listening est une pièce écrite pour piano et orchestre qui s’éloigne quelque peu de la forme classique du concertino dans le rapport entre le soliste et l’orchestre. Ici le discours ne s’établit pas au sein d’un axe confrontation/dialogue, mais plutôt dans une volonté d’orchestrer l’instrument soliste, de créer une sorte de piano augmenté par l’orchestre. Ce dispositif compositionnel filtré laisse s’échapper quelques résidus orchestrés et autres textures autonomes pensées comme des respirations d’ordre environnemental, proches du design sonore.
La forme et le matériau convergent dans la figure du glissement. Du glissement de l’archet sur les cordes au glissement de clusters diatoniques au piano, du glissement des flutes à coulisses au glissement de la superball sur le tam, du glissement d’objets musicaux au glissement des situations d’écoute, ces diapositives sonores s’entrechoquent à un tempo soutenu.
Cette pièce, créée par les finalistes du concours international Piano Campus 2017, met par ailleurs en jeu ce que j’appelle des OEM (objets esthétiquement modifiés) issus du concerto pour piano de Schumann (au programme de la finale). Les OEM sont des fragments musicaux issus de la littérature classique ou traditionnelle ; ces fragments sont, un peu à l’instar des manipulations génétiques, d’abord prélevés, décontextualisés, modifiés esthétiquement, puis confrontés à un nouvel environnement musical.
Black Village (2019)
Musical Theater
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Commission : Ensemble L'instant donné / fondation Salabert
Text by Lutz Bassmann
Instrumentation : 1 reciter, flutes, piano, percussions, violin, viola and cello
Duration : 1 hour
Dedication : Antoine Volodine.
Publisher : Éditions Musicales Artchipel
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Premiere at Nouveau théâtre de Montreuil, December, 17th by Hélène Alexandridis and l'ensemble L'Instant donné.
Stage direction : Frédéric Sonntag​.
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Tour at CDN Lorient, GMEM festival "Les Musiques" in Marseille.
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Certaines rencontres nous bouleversent et nous accompagnent dans nos propres projections intellectuelles ou utopies artistiques. Elles participent à la construction de nos imaginaires. L’œuvre d’Antoine Volodine fait partie de ces découvertes marquantes et a, depuis plusieurs années maintenant, une influence devenue essentielle sur mon écriture musicale.
Plusieurs de mes compositions sont plus ou moins directement inspirées par son univers. Ainsi, mon cycle Nara, qui met en regard mes impressions lors de la découverte de l’ancienne capitale du Japon avec la forme littéraire inventée de Narrats, que Volodine décrit comme « instantanés romanesques qui fixent une situation, des émotions, un conflit vibrant entre mémoire et réalité, entre imaginaire et souvenir ». Il en va de même avec la structure formelle de mon premier quatuor à cordes Neige de Jakuchu (éditions musicales Artchipel) qui redistribue dans le temps quelques autres formes littéraires décrites dans Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze.
L’écriture de Volodine m’a permis de développer une réflexion sur l’élaboration d'une narrativité plurielle dans ma musique, constituée de blocs de sons aux perceptions temporelles différentes. L'étape suivante de ce travail référencé était naturellement de mettre ma musique directement en tension avec la matière textuelle volodinienne. C’est l’objet de cette adaptation du roman Black Village - signé de l’hétéronyme Lutz Bassmann.
J’ai choisi cet ouvrage pour la forme qu’il met en jeu, où les différents chapitres du livre sont toujours interrompus, comme empêchés : les narrats deviennent des interruptats. Ils s’inscrivent dans cet univers singulier des temps qui se rejoignent, qui se déforment, qui s’étalent à l’infini ou qui se rétractent dans l’instant. Des brèches s’ouvrent, des espaces se créent, écarts propices à la composition d’un entre musical.
En ce sens, le temps musical devient à la fois le réceptacle et l’écho de la matière littéraire ; quelques références au passé, modifiées esthétiquement et temporellement, participent à cette construction uchronique. Cette dislocation et ces agrégats de matériaux, pensés en interruptats musicaux, s’incarnent principalement dans une orchestration mettant en valeur des modes de jeux particuliers et une exploration du rapport entre le timbre et la perception temporelle.
Au-delà du rapport d’interruption et d’empêchement, la musique tente, pour reprendre le concept de François Jullien de dé-coïncider avec le texte en évitant tout rapport illustratif, même si l’occasion d’utiliser les images littéraires donnent lieu à une réflexion sur l’anecdote comme point de contact entre texte et son - la naissance d’une flamme par exemple, devenant objet musical structurant. Certains épisodes musicaux traduisent quant à eux, par distanciation, l’humour du désespoir se diluant dans les trames narratives.
De fait, cette musique ne peut exister sans le texte ; elle en propose une interprétation, une appropriation qui accompagne sa « progression vers le rien », vers le silence.